Bouna, royaume de la savane ivoirienne

À partir de la fin du XVe siècle, date d’installation des premiers comptoirs européens sur les rivages du Golfe du Bénin, on assiste aux confins septentrionaux de la savane et de la forêt à l’émergence d’un réseau de villes marchandes. Ces dernières servent d’étapes et de relais sur les routes commerciales qui sillonnent le Centre-Ouest africain, reliant la côte Atlantique aux termini du commerce transsaharien (Tombouctou, Dia, Djenné). La naissance de ces centres urbains va susciter l’apparition de structures politiques nouvelles, répondant notamment aux besoins de sécurité des routes et des transactions qu’engendre le développement du commerce. Le phénomène de l’État, organisation politique centralisée, se généralise et un certain nombre de royaumes dont celui de Bouna se mettent en place.

Créée dans le tout début du XVIIe siècle, la dynastie des souverains de Bouna qui remonte, en ligne droite, à son fondateur, Bunkani, était donc déjà vieille de près de trois cents ans au moment de la conquête française. De ces siècles d’histoire précoloniale, les sources orales ont permis de reconstituer la trame ainsi que les structures sociopolitiques qui en font un modèle de royaume presque unique en son genre : passage du pouvoir en alternance entre trois branches du clan royal, promotions et « cursus honorum » à l’intérieur de ce clan, etc.

La juxtaposition, au sein de la cité, des quartiers royaux et des quartiers marchands a créé les conditions de l’avènement d’une véritable civilisation urbaine, sur une base multiethnique et multireligieuse, préfiguration en quelque sorte de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui. Dès la fin du XIXe siècle, les guerres de Samori, la pénétration puis l’occupation coloniale vinrent bouleverser l’environnement dans lequel le royaume s’était développé : les caravanes cessèrent d’irriguer le royaume qui, situé en dehors de l’aire des plantations de café et de cacao, entra dans des phases de décadence irréversibles.